Édition spéciale anniversaire pour cette Translémanique 2023 qui fête sa 50ème édition et qui a accepté (exceptionnellement) 150 participants. Ce sera au final 135 concurrentes et concurrents qui prendront le départ de cette édition « humide et dynamique » pour reprendre les termes de Fifi Jeanneret qui fait le briefing météo la veille au soir. Un briefing inutilement alarmiste lors duquel le président sortant lâche un malheureux « ceux qui ne sont pas capable d’affaler un spi par 35 nœuds de vent feraient mieux de ne pas partir ». Pas sûr que la majorité des 135 concurrents soit à l’aise lors d’un tel exercice mais ils étaient bien tous au départ et presque tous à l’arrivée.
Après une soirée thaïe entre amis du CVV et du CVL, nous nous retrouvons le samedi matin sous un ciel menaçant et un vent d’ouest établi entre 5 et 10 nœuds. Un départ sous spi et en ciré, accessoires qu’il ne fallait définitivement pas oublier pour cette cuvée 2023 !
Départ en tribord amure qui nécessite rapidement un premier empannage pour éviter la pointe à la bise ; premier empannage et première galère : j’empanne ma GV, je donne du mou à mon spi pour passer le tangon sur bâbord mais quand je reviens à mon poste pour régler la voile, je m’aperçois qu’un des brins passe sous le bateau… affalage obligatoire, décrocher le brin perdu, le remettre à poste et regarder les copains filer durant ces longues minutes nécessaires à rétablir ma bulle. 500m de perdu. Arrive ensuite le premier grain de la matinée. J’affale mon spi à temps et profite de ce court épisode sous génois pour changer les brins d’amures et pouvoir renvoyer ensuite le spi tribord amure sans devoir empanner à nouveau… Malinx le lynx ! Je file plein gaz en direction d’Yvoire en attendant le 2eme grain. Le vent monte mais j’attends que les (rares) bateaux encore derrière moi partent au tas pour affaler mon spi. Je déroule mon génois, lâche le bras et enfoui sans peine mon spi dans la cabine. Heureux du bon déroulé de la manœuvre, je relève la tête et m’aperçois que mon génois vol à 90 degrés, les deux écoutes battant au vent. Deuxième galère ! Je pipe pour faire revenir le génois dans l’axe du bateau et réussi à attraper une écoute, mais je dois rapidement empanner et n’ai aucune écoute sur bâbord. Je tente malgré tout l’empannage et me disant que si j’avais réussi à attraper l’écoute à tribord, j’arriverai bien à l’attraper à bâbord. Bel optimisme mais très mauvaise idée ; le génois s’enroule autour de l’étai et l’écoute volante vient ficeler le tout. Le vent continue à monter et le génois tout ficelé fait peine à regarder. Je décide de l’affaler et réglerai le problème dès le grain passé. Autour de moi c’est le festival, les bateaux partent dans tous les sens, les spis volent à l’horizontal, les copains partent au tas. Avec ma grande voile seule je suis confortable, même un peu frustré de ne pas pouvoir envoyer mon génois mais le vent est trop fort pour passer 5 minutes sur le pont avant à démêler le sac de nœuds. Je ronge mon frein et apprécie le spectacle. J’évite un spi qui flotte devant moi et retrouve assez vite son propriétaire : un Surprise qui au bout de son mât, n’a plus qu’un lambeau de tissu qui flotte désespérément au bout d’une drisse inutile.
Le vent faiblit et je peux lâcher la barre ; je file à l’avant, démêle le tout, perd une écoute dans l’exercice et la remplace par une amarre… je peux rapidement renvoyer le spi et file à 6 nœuds en ligne droite sur le but. Bon pour le moral après une matinée finalement compliquée où j’ai perdu tout espoir de faire un bon classement.
Mais le plaisir est là et le soleil revient. Je ne lâche rien et profite de la glisse ; deux trois zigzags à la hauteur de Meillerie pour trouver les meilleurs airs, et je me retrouve quelques empannages plus tard (toujours ratés pour la plupart) avant 17h à la bouée du Bouveret.
J’enroule la boille, et repars au près direction côte Suisse. Après des heures de spi, cette nouvelle allure fait plaisir. Le bateau glisse bien, la lumière sur les vignes est magnifique et je tire cette allure au maximum jusqu’au débarcadère de Rivaz. Les spécialistes diront que c’était ambitieux de s’éloigner autant du but pour une hypothétique bise qui n’est jamais sortie, et ils ont raison, mais Rivaz a tout de même été un moment clef de cette régate. Je quitte Rivaz toujours au près, mais la bascule n’est pas loin et je peux rapidement envoyer mon spi bâbord amure. C’est parti pour trois heures de ligne droite, direction Yvoire à essayer de tenir le spi gonflé, mais chaque vague de face arrête le bateau et dégonfle la voile. L’exercice est pénible, je lofe toujours plus pour maintenir le spi, et sans m’en rendre vraiment compte, je commence à rattraper les autres Surprises. À partir de Thonon le vent est plus capricieux et m’oblige à faire un ou deux changements de bords pour retrouver du vent frais. J’entre dans le petit lac vers 23h30 avec la pluie et remarque plein de lumières de mâts autour de moi. Je file à belle allure vers la côte française sous génois et peut rapidement envoyer le spi pour toute la traversée du petit lac. Arrivé à la pointe à la bise le vent adonne et je remplace le spi par le génois pour le dernier changement de voile de la régate. Bien m’en a pris puisqu’à peine passé la pointe, le vent est soudainement plus frais pour une arrivée à la Nautique avec près de 15 nœuds de vent.
Passé les aléas d’une arrivée solo dans une rade encombrée et ventée, je peux profiter de la traditionnelle assiette de pâtes avec les copains et réalise seulement à ce moment là - lorsque René (Mermoud) m’informe que j’ai fini devant lui - que j’avais fait une jolie « remontada » sur la deuxième partie de cette régate pour finir à une jolie 18ème place en temps compensé. Bref, des joies et des galères, les ingrédients habituels de cette magnifique régate pas tout à fait comme les autres.
Rendez-vous pour la 51ème, et promis, je travaillerai mes empannages d’ici là !
Blaise sur Luna SUI909